Les originaux des photos trouvées
sur cette page sont pour la plupart la propriété de Bernard Casgrain,
fils de Jeanne Beaulieu
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Jacques Cousineau, S. J., un grand ami de Jeanne Beaulieu
Jacques Cousineau était le fils de
Joseph Alexandre Cousineau et
d'Albertine Lanctôt.
Il naquit
le 6 avril 1905 et baptisé le lendemain à Notre Dame de Montréal;
ses parrain et marraine étaient Trefflé Cadotte, frère de sa mère,
et dame Louis Cousineau (Emma Cadotte), sa grand-mère paternelle.
Pour plus sur sa famille,
pressez
ICI.
Jacques termine ses études au collège
Sainte-Marie en juin 1923. Il a été plus ou moins décidé
qu'il entreraît chez les jésuites. Il
est également décidé peu de temps après que père, mère et fils iraient
faire un voyage en Europe avant que ce dernier ne prenne une décision définitive.
Ils s'embarquent le 29
septembre 1923 et reviennent le 3 janvier 1924.
Ils rencontrent à Paris
Jeanne Beaulieu, qui en est à son premier voyage en Europe.
Celle-ci avait quitté Montréal le 31 mai 1923, accompagnant son père
qui allait alors plaider au Conseil Privé à Londres. Ce dernier s'était réembarqué
pour l'Amérique le 21 juillet 1923 et avait laissée Jeanne à
Paris pensionnaire chez les Auguste Descarries qui y habitaient depuis un an.
Celle-ci
s'exprime ainsi au sujet de cette partie de son voyage (Le texte
dont l'extrait suivant est tiré se trouve
ICI):
Un jour, je reçois de ma mère une lettre m'annonçant
l'arrivée prochaine à Paris de Jacques, fils du Docteur Cousineau,
d'anciens voisins du quartier St-Henri. Il fait maintenant partie
de ma bande d'amis à Outremont. Quel plaisir
j'ai eu à descendre en ski avec lui le «gully» (couloir)
du Mont-Royal, à l'écouter parler de ses projets!
Aujourd'hui, il fait son voyage en Europe pour décider
de sa vocation: sa mère, jadis, a promis à Dieu que son premier
fils deviendrait prêtre, et Jacques ne veut pas s'engager à la
légère. Comme je l'admire! Chaque jour, pendant trois mois,
nous nous rencontrons pour visiter la ville et ses environs.
Est-ce un rêve? Serait-il possible que Jacques et moi...
Nous déjeunons quelquefois dans un bistrot sympathique
où nous discutons, badinons, causons, profitons sans nous
presser de l'air du temps. Nous fréquentons le Louvre et
échangeons nos impressions sur les oeuvres exposées qui,
parfois, font rougir la demoiselle que je suis. C'est que les
artistes n'ont pas peint que des saints, hélas! Les parents de
Jacques arrivent enfin à Paris pour y rejoindre leur fils.
Avec eux, j'entreprends des visites, de
courts voyages qui me mèneront, entre autres, sur les rives
de la Loire ou je découvre avec emerveillement les célèbres
châteaux et leur histoire.
Le 2 janvier 1924, je suis de retour au Québec, au terme d'une
traversée sans encombre sur le De Grasse.
Quelque temps plus tard, Madame Cousineau me demande si je
vais m'opposer à ce que son fils entre chez les Jésuites.
Je l'assure que je n'en ferai rien; j'ai toujours su que
Jacques était destiné à la prêtrise et je ne tenterai pas
de l'en détourner. Mais on n'empêche pas un coeur d'aimer,
surtout à vingt ans et je suis profondement éprise. Le
respect de la parole donnée m'a obligée à tirer du fond
de moi-même tout le courage dont je suis capable. Tout
au long de ma vie, ce premier amour occupera une place
à part dans mon coeur, la place réservée aux élans purs,
entiers, sans calcul. |
Pour des photos de Jacques Cousineau, sa mère et Jeanne Beaulieu
prises lors de cette partie de voyage en Europe,
pressez
ICI).
Lettre non datée de Jacques Cousineau
(entré chez les Jésuites le 22 février 1924)
Bonjour Jeanne,
Avant mes sorties avec vous, j'ai toujours énormément de choses
à vous dire; quand vous êtes là, je les oublie ou je les dis mal surtout.
Quand vous m'avez dit, dimanche dernier «Tout le monde est d'avis que
je suis méchante»; j'ai cru que vous avez mal interprété mes paroles, lors
de notre conversation tardive. Il me semble que je n'ai jamais laissé entendre
que vous fussiez telle; comment pourrais-je penser ainsi? du reste, le portrait
est là, et je n'ai point changé d'avis. Cependant je voudrais préciser ma pensée.
La sensibilité est délicate chez vous, mais profonde. Vous vous êtes défendue
des atteintes qui auraient pu vous blesser, d'abord en vous éloignant, puis par
votre tactique, ne souriez pas, disons inconsciente, le mot d'esprit; enfin,
par ce raisonnement intérieur que vous vous faisiez auquel auquel on vous avait
habituée: vous l'avez conservé ce raisonnement parce qu'il était un puissant
moyen et aussi parce qu'il n'était pas loin de la formule chrétienne par
excellence: mon âme, tabernacle de Dieu ne saurait condescendre ainsi; vous
disiez donc: «Moi, J.B. j'irais...» J'aime à croire, et je suis sûr que vous
n'êtes pas restée longtemps au sommet de cette tour; vous étiez descendue
quand je vous ai connue. Quelquefois il vous arrive des réminiscences de votre
séjour là-haut; jamais avec moi seul, je m'en suis aperçu; et n'oubliez pas,
Jeanne, que j'ai dit quelquefois, peu souvent avec les autres; mais je vous
veux si parfaite; vous n'avez plus comme je vous disais, des mots d'esprit
où je sentais un peu d'aigreur autrefois; maintenant juste assez pour égayer
et vous défendre [quelques mots illisibles] Dans l'autre domaine, je vous
fais ce petit, ce mignon reproche de n'être point arrivée au juste milieu.
Et maintenant mon procès, s'il vous plait, Jeanne! Je ne dirai rien de
ce que je ne pense pas formellement; je voudrais une mise au point. Je
m'exagère toute chose à moi-même, c'est un peu vrai, je suis toujours trop,
et il me semble qu'en le disant je ne le suis pas; ainsi, l'autre soir,
quand je vous disais avoir cédé souvent; si vous vous examiniez plus
profondément, plus minutieusement, vous trouveriez que je vous commandais
au contraire fortement; je suis le plus à blâmer; ceci je le crois après
réflexion. & Je crois aussi vous avoir fait de la peine (et je me ronge):
voici comment: j'ai eu l'habitude que je croyais bonne dont je doute
aujourd'hui, de vous dire quelquefois: «Jeanne, vous m'avez fait de la
peine, cette fois»; le coeur me fendait quand je vous parlais ainsi,
j'aime peu à penser surtout. Je me disais: «Elle fera attention, se
corrigera, sera parfaite.» Vous faites attention, mais je suis ignoble,
en face de vous. Votre conduite est différente: vous souffrez en silence
et je ne puis en savoir la cause. N'allez pas dire je vous prie que je
ne touche jamais rudement votre coeur! Une fois, à Rome, vous me l'avez dit;
je suppose que voyant ma peine vous avez décidé de ne jamais rien dire,
mais pourquoi? j'ai essayé de me corriger sur ce point, n'est-ce pas bien?
Quelle méthode est la meilleure, je ne sais: au moins adoptons la même.
À dessein, je me tais, Jeanne. Je n'aurais jamais pu dire cette lettre.
Oh! j'espère que le bon Dieu me permettra d'acquérir ce pouvoir si précieux!
d'être aussi sûr de mes paroles que de ma plume, et de ne rien dire de trop.
Votre ami
Jacques
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Photo de Jacques Cousineau (offert à Jeanne
le 5 octobre 1923):
Verso de la photo précédente:
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